UN SUJET « BRÛLANT » !!!
« Tout savoir » sur les pianos japonais d’occasion récents reconditionnés et rénovés
Voici donc un sujet brûlant qui divise la profession depuis plus d’une décennie ! Spécialiste de ces pianos en tant qu’artisan revendeur dès 1989, puis comme partenaire de QUEEN’S PIANO, 1er importateur européen, depuis l’année 2000, pour la distribution en France, je souhaite apporter quelques lumières sur ce sujet et, je l’espère, faire clore toute cette polémique qui discrédite et perturbe cette activité de distribution aussi honorable qu’une autre, et aussi respectueuse de nos traditions et d’un savoir-faire qui s’apparentent si souvent à l’artisanat d’art.
Quelques lignes donc pour éclairer ce sujet si intéressant :
Développement durable : gaspillage ou recyclage
QUESTION : pourquoi mettre au rebut un objet conçu pour durer plus de 100 années, alors qu’âgé de 10 à 40 ans, en pleine jeunesse, il peut encore rendre des services durant plusieurs décennies ? Tel est le cas du piano dont la solidité est telle qu’une utilisation quotidienne sur une durée d’un siècle est non seulement possible, mais considérée comme normale ! Seul le violon a une durée de vie plus longue, à l’instar des Stradivarius, Guarneri et autres Amati moyennant, cependant, de sérieuses restaurations effectuées au cours de leur longue vie.
Le piano n’est donc pas un produit jetable, consommable et destiné au gaspillage !
Il faut savoir également que près d’un demi- million de pianos sont fabriqués chaque année dans le monde, et en grande partie en CHINE - plusieurs millions de pianistes à ce jour - chaque piano utilisant 80 % de bois et 20 % de matières premières ou transformées : cuivres, aciers, feutres, carbone, peaux, vernis issus de la pétrochimie… 450.000 pianos, ce sont des milliers de tonnes de bois massifs ou reconstitués, des milliers de kilos de vernis, de feutre textile et animal…
Aussi, d’un côté, mettre au rebut et jeter des produits encore jeunes et parfaitement utilisables durant plusieurs décennies, et de l’autre, participer à la déforestation et au pillage de nos ressources naturelles, est-ce bien acceptable ?
Non, bien entendu, simple réflexion de bon sens.
La demande du marché
Pour plusieurs raisons, l’offre en pianos neufs pour répondre à la demande des nouveaux pianistes s’est restreinte : beaucoup d’usines européennes ont fermé, prix attractif de la concurrence asiatique oblige, les claviers numériques, appelés à tort « pianos numériques » ont pris une place prépondérante face au piano acoustique, les budgets des ménages consacrés à l’achat d’instruments de musique ont été répartis dans d’autres achats comme les téléphones portables, les ordinateurs, le multimédia et le boum des vacances… Conséquence, la demande s’est tournée vers des produits plus abordables en prix, sans pour autant négliger la qualité.
C’est là que tout l’intérêt des pianos d’occasion sérieusement reconditionnés intervient.
Historique du marché du piano au Japon
Le Japon est le fournisseur mondial des pianos d’occasion. Pourquoi ?
C’est grâce à un contexte culturel très particulier, dont nous parlions souvent avec nos partenaires japonais :
Le Japon, c’est 130 millions d’habitants, soit le double de la France. (nous sommes 65 millions).
La musique est l’une des matières obligatoires dans l’enseignement scolaire, au même titre que d’autres matières artistiques. Or, tout l’apprentissage de la musique se fait sur claviers portables . Conséquence : tous les élèves connaissent le clavier, c’est-à-dire tous les enfants japonais ! (à rapprocher de notre enseignement au Collège par les flûtes douces Aulos et autres, qui ont fait les beaux jours des mois de septembre de nos magasins !!!… et on s’étonne du résultat !!!).
Autre aspect, chaque foyer possède un piano, souvent acheté dès la naissance de l’enfant, piano neuf évidemment, les Japonais n’achetant paraît-il jamais un produit d’occasion en raison du Karma ( philosophie bouddhique ) du précédent propriétaire, à fortiori un piano !
Les structures d’enseignement, scolaires ou musicales, possèdent toutes plusieurs pianos, que se disputent les élèves, pianos changés très régulièrement, ce qui contribue à la qualité de l’enseignement, changement aidé par une politique de soutien à l’industrie du piano, comme à toute l’industrie japonaise en général.
Enfin, les Japonais achètent avant tout « japonais », d’où un équipement pianistique à 99 % de production japonaise, YAMAHA en tête, suivi de près par les autres producteurs dont le plus important est KAWAI qui fut longtemps premier fabricant mondial de pianos à queue.
C’est donc pour cette raison que des centaines de milliers - on parle de millions - de pianos japonais d’occasion récents, à la fiabilité exemplaire, très bien entretenus, se retrouvent sur le marché de l’occasion, dans un pays où le culte du produit neuf est très ancré dans le comportement d’achat.
Et c’est donc ainsi que le Japon est devenu le premier exportateur mondial de pianos d’occasion, (et ce, après avoir été le premier producteur mondial de pianos : YAMAHA, plus de 100.000 pianos par an dans les années 1970/80), pour le plus grand bénéfice des pianistes débutants ou confirmés, qui peuvent ainsi acquérir des pianos, après rénovation et reconditionnement, à des prix nettement plus abordables qu’un neuf !
Les multiples avantages des productions japonaises
Ils tiennent en quelques constats :
Choix des modèles très large, tant en marques qu’en gammes, par exemple les séries U, MC, YU, UX etc…chez YAMAHA, ainsi que nombre de sous-marques issues de ces grandes marques, ( ETERNA / YAMAHA, DIAPASON / KAWAI, APOLLO / TOYO etc… ).
YAMAHA et KAWAI, qui représentent 90 % de l’offre, sont installés en Europe, et notamment en France, dans les Conservatoires et les Ecoles de Musique depuis plus de 40 ans, et nos professeurs de piano français, pour ne citer qu’eux, conscients de leurs qualités, les conseillent aux élèves ( beaucoup ont eux-mêmes appris sur ces pianos, ceci explique cela ! ).
Rénovation et Reconditionnement de ces pianos facilités par leur standardisation, leur jeunesse… et leur robustesse légendaire, permettant ainsi, après travaux, de proposer des prix de vente inférieurs aux modèles équivalents en neuf ( souvent moitié prix ).
BON A SAVOIR : Les rumeurs …
Cette offre de pianos d’occasion, apparue dès 1989, ( 27 ans déjà ! ), a provoqué une forte concurrence envers le marché du piano neuf. C’est ainsi que les principaux fabricants japonais, concurrencés par leurs propres pianos, ont dû réagir et trouver des solutions marketing et industrielles - production délocalisée dans d’autres pays asiatiques par exemple - pour leurs premiers modèles en vue de contrer cette concurrence.
Mais le plus significatif est cette rumeur apparue dans les années 2000 déconseillant l’achat des pianos d’occasion produits au Japon :
D’abord, ils ne pourraient pas, disait-elle, après une période d’utilisation au Japon, se réadapter aux autres régions du monde en raison de la différence de climat ! Alors dans ce cas le piano d’un pianiste habitant Brest depuis 20 ans, au climat océanique et doux se détériorerait s’il allait habiter à Strasbourg au climat continental et rigoureux ? Soyons sérieux, il y a bien longtemps que les pianos suivent leur propriétaire dans les déménagements et mutations dans des régions voire des pays au climat différent, notre vieille tropicalisation a existé dès la moitié du XXème siècle, témoins nos PLEYEL envoyés dans les colonies…
Ensuite, elle a prétendu que les pianos fabriqués au Japon POUR le Japon possédaient des composants différents de ceux utilisés sur les pianos destinés à l’export… Ne faudrait-il pas alors prévoir de fabriquer des pianos dont les composants devraient s’adapter à toutes les régions du monde, et plus finement à chaque pays, et encore plus finement à chaque région de ces pays ? Absurde ( et de plus infaisable industriellement ), puisque d’une part le JAPON s’étend, sur la même latitude, de Casablanca à Bruxelles , et qu’en conséquence, les variations climatiques du Sud au Nord du JAPON s’apparentent à toutes les autres régions du monde, et que d’autre part, les normes générales pour l’utilisation des bois d’ameublement collés imposent par exemple des taux d’humidité et de sissité inférieurs à 15% voire moins ( idéal 12%) . Les pianos japonais, fabriqués et utilisés au Japon, devraient donc connaître les mêmes contraintes climatiques ET de fabrication que dans le reste du monde !!!
A l’évidence, ces rumeurs sont infondées, quand on sait par ailleurs avec quelle exigence de robustesse ces pianos sont fabriqués ! On a donc vu mieux comme analyse, quand, de plus, on constate que tous les modèles sortis de ces usines à vocation fortement exportatrices sont tous conçus pour être exportés dans le monde entier, les N° de série se suivant sans distinction et quels que soient les modèles, et que, j’en veux pour preuve, un grand fabricant a fini par proposer ses propres pianos d’occasion japonais à ses clients concessionnaires !
Car enfin, importés en France et exportés dans le monde depuis 1989, ça se saurait si ces pianos s’avéraient impropres à notre consommation !!!
De l’occasion au neuf !
Mais aujourd’hui, cette rumeur semble s’essouffler, je dirais même qu’elle tend à disparaître, et c’est tant mieux !
Car non seulement elle portait préjudice au marché de l’occasion qui pèse beaucoup dans l’activité des revendeurs, mais encore, et surtout, et par effet boomerang, aux fabricants japonais dont le public pourrait douter de la pérennité leurs pianos neufs, ( « Ah bon, ils vieillissent mal ? » ) alors que l’excellence même de leur fabrication leur permet de traverser les années sans dommage ! Les Conservatoires et tous les pianistes possesseurs de ces marques sont là pour le prouver, ainsi que la demande des particuliers, tant en neuf qu’en…occasion !
Mais surtout, la qualité de ces pianos japonais récents, s’ils ont bien été sélectionnés, rénovés et reconditionnés fait l’unanimité chez leurs utilisateurs, qualité qui va permettre l’achat d’instruments fiables apportant la même sécurité d’utilisation qu’un piano neuf. Conséquence, les acheteurs les plébiscitent, et, on le constate, achètent ensuite leur piano neuf dans la même marque ! Ces pianos d’occasion ne sont alors plus des concurrents au neuf, mais un investissement sur l’avenir pour le fabricant de ces pianos !
La sélection des pianos au Japon
La sélection des pianos est donc bien sûr primordiale. Elle doit s’effectuer sur place au Japon par les techniciens de l’importateur et par leurs correspondants locaux. Les pianos pourront donc être ainsi choisis selon un cahier des charges drastique et des critères de qualité qui décideront d’un reconditionnement qui respectera au plus près les normes du fabricant.
Il est donc indispensable que ces pianos sélectionnés soient, dès le départ, d’un niveau de qualité excellent, bien entretenus et au passé irréprochable afin d’être restés dans leur état d’origine sortie d’usine. Par contre, les pianos présentant une usure prononcée devront être rejetés, car ils nécessiteraient des travaux trop coûteux qui surtout les éloigneraient de la qualité d’origine voulue par le fabricant. (Une règle : ne jamais commander de conteneurs à des grossistes japonais sans avoir vu les pianos, quelques déboires à l’arrivée !)
Une fois cette expertise réalisée, les sérieuses opérations de rénovation et de reconditionnement pourront être effectuées. Seuls des techniciens hautement qualifiés devront être chargés de ces opérations, car il en va du respect de la qualité et des concepts originaux voulus par leur fabricant et qui doivent en aucun cas être modifiés, la sonorité, les réglages, la fiabilité amoindris pourraient alors dénaturer le nom et l’image de la marque.
Pour conclure !
Une certitude : le JAPON est un vivier d’excellents pianos qui ne demandent qu’à revivre sous les doigts des pianistes débutants ou confirmés.
Mais Reconditionner et Rénover, et remettre à niveau d’excellents pianos d’occasion récents japonais, c’est aussi respecter et préserver notre environnement, participer ainsi au développement durable, et optimiser l’image de savoir-faire de notre profession. Et ainsi permettre à tous les pianistes d’acquérir un bon piano sans pour autant se ruiner, assurés qu’ils n’auront pas, rapidement, des soucis d’utilisation dûs à un instrument vétuste et mal - ou pas du tout – remis à son niveau d’excellence originel voulu par le fabricant.
Philippe CARABIN
à l’écoute du Piano depuis 1982